16 mai 1871 : Chute de la colonne Vendôme

Installé depuis seulement deux semaines, le conseil de la Commune de Paris vote le 12 avril une mesure symbolique : la démolition de la colonne Vendôme.

Ce monument inspiré de la colonne Trajane, commandé par Napoléon Ier pour célébrer ses exploits militaires, a déjà un passé agité. La statue de l'empereur qui la surmontait fut fondue sous la Restauration, remplacée sous Louis-Philippe par un « petit caporal » et de nouveau sous Napoléon III par un Bonaparte vêtu à l'antique. A la chute du Second Empire, le camp républicain souhaite débarrasser l'espace public de cet emblème césariste. Le peintre Gustave Courbet défend ainsi dès septembre 1870 la dépose de la colonne. Il envisage ensuite de la déplacer aux Invalides. En vain.

Mais l'insurrection qui éclate à Paris le 18 mars 1871 change la donne. Attaqués militairement par le gouvernement monarchiste, les partisans d'une République sociale ripostent par le symbole. A l'initiative de Félix Pyat, la Commune décrète : la colonne sera démolie. Courbet, élu peu après, n'a pas pris part au vote, mais en réclame l'exécution.

Prévue pour le cinquantenaire de la mort de Bonaparte, le 5 mai, la démolition n'a finalement lieu que le 16, alors que la situation militaire devient désespérée. La foule se masse néanmoins place Vendôme pour célébrer l'événement, au son de La Marseillaise. Mais l'opération est complexe. Les bâtiments alentours sont protégés, un lit de sable et de fumier est étendu sur la place pour amortir la chute. La colonne est sciée, entaillée, harnachée de cordages reliés à un cabestan. On pousse ensuite le cabestan. Mais il se rompt, au désarroi du public. Plus d'une heure après, les réparations sont achevées. Cette fois, le colosse de 45 mètres s'écroule sous les vivats, et le drapeau rouge flotte bientôt sur son socle. Brisés, ses bas-reliefs coulés avec le bronze des canons pris à l'ennemi sont placés en lieu sûr.

Scandalisés, des députés versaillais proposent immédiatement le rétablissement de la colonne. Il est finalement approuvé par une loi de 1873 et achevé en 1875. Courbet, tenu pour responsable, doit supporter le coût de la reconstruction. Ruiné, il s'exile en Suisse où il meurt en 1877, la veille du paiement de la première traite.

Nulle trace ne rappellera place Vendôme cette journée du « 26 floréal 79 » et les mots féroces du décret de la Commune contre ce « monument de barbarie, […] symbole de force brute et de fausse gloire, […] attentat perpétuel à l’un des trois grands principes de la République française, la fraternité ».

Thibaut Langlois

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