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Une incompétence structurelle

La crise que nous vivons est indubitablement d’une ampleur inédite, et il peut paraître facile de porter des jugements. Nul doute que la plupart des ministres font ce qu’ils estiment le mieux, de leur propre point de vue. Pourtant on reste confondus par tant d’incohérences, de revirements, qui tous ne tiennent pas à la seule évolution de la maladie. Aux incompétences personnelles qui apparaissent dès lors que la situation exige des décisions qui obligeraient à sortir des mantras idéologiques du libre-échange, s’ajoutent des tiraillements dans l’exécutif sur fond d’ambitions électorales présentes – nous sommes toujours dans l’entre deux tour municipal – mais aussi à venir : la déclaration de Marine Le Pen, quelques piètres tribunes ici ou là annoncent la course à la Présidentielle.

« Le poisson pourrit toujours par la tête », disait Mao citant un proverbe. On ne peut cependant faire de l’ambition personnelle ou de l’incompétence les seules causes de cette situation. Tout au contraire, celles-ci se déploient quand la structure d’ensemble n’est plus à même de les contenir. Or par-delà l’ampleur des effets de la pandémie, celle-ci frappe à la conjonction de deux faits majeurs qui ont depuis une cinquantaine d’années affaibli la puissance publique, en portant atteinte aux mécanismes de prise de décision démocratique : le renforcement toujours accru de la logique monarchiste de la cinquième République, et le néo-management libéral.

Nombre d’articles ces jours-ci saluent l’énergie avec laquelle les soignant.e.s ont fait face à l’urgence, et combien l’hôpital a retrouvé sa mission première, répondre aux besoins des patients. Pour autant une petite ritournelle néo-libérale reprend de la vigueur : à les entendre, l’hôpital souffrait avant de bureaucratie, la solution c’est la dé-régulation. C’est taire que l’hôpital a été saigné par la logique managériale directement héritée des méthodes libérales, avec ses tableaux comptables et ses « cost-killers » en guise de gouvernance. Les soignants ont besoin des moyens que l’austérité leur a refusés.

Quant au sommet de l’État on a également théorisé qu’il fallait ignorer les corps intermédiaires que sont les syndicats, comme les strates de la fonction publique, le caractère autocrate de la 5ème République se trouve amplifié. Raison pour laquelle le Président semble décider sans même parfois informer ses ministres, et plus grave, en passant outre l’expression politique à l’Assemblée. Dans les grandes villes, comme à Paris, ou Lyon, c’est la même chose : les édiles locaux se passent de la consultation et imposent leurs vues sans réel débat. La sortie de crise ne relève pourtant pas de décisions techniques, elle doit être au contraire démocratique. Un peuple ne pouvant accepter des mesures contraignantes que s’il en comprend la nécessité, qu’on ne lui cache rien et qu’on ne lui mente pas. Encore une fois, une sixième République qui mette fin à la monarchie présidentielle est nécessaire !

 

Benoît Schneckenburger

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