République en marche-arrière

Cinq jours avant le 1er tour de l’élection législative, la révélation d’un document confidentiel contenant l’avant projet Macron de réforme du code du travail constitue un choc. Il y avait déjà de quoi s’inquiéter sérieusement avec ce que le candidat Macron avait annoncé, notamment la fixation du temps de travail dans l’entreprise, ainsi que le plafonnement des indemnités prud'homme qui permettrait aux entreprises de licencier moyennant finances quelle que soit l’injustice du motif ou le préjudice subi par le salarié. Ce qui a été révélé va beaucoup plus loin : il est question de fixer aussi dans chaque entreprise les règles de fin du contrat de travail, et notamment les motifs possibles de rupture du contrat. L’encadrement légal des motifs de licenciement disparaîtrait ainsi. Et toute embauche pourrait désormais se faire sous le chantage de devoir accepter au départ d’être viré à tout moment sans droits.
Ce serait d’abord un recul social majeur. Une facilitation des licenciements bien sûr et donc un facteur de hausse du chômage. Mais aussi un moteur de précarité renforcée pour les salariés dont les contrats deviendraient jetables, la notion même de CDI étant amenée à disparaître avec la fixation dans l’entreprise des règles de rupture du contrat. L’horizon des revenus et donc des projets des salariés serait ainsi radicalement instabilisé et globalement raccourci. Au recul social s’ajouterait un danger économique. Le contrat de travail n’étant quasiment plus encadré par la loi, les règles s’appliquant aux travailleurs fluctueraient de manière considérable d’une entreprise à l’autre, dans une insécurité juridique totale. Et ce « non droit » au cas par cas, sorte de loi privée de chaque patron, deviendrait un instrument de concurrence et donc de dumping entre les entreprises. Dans un même secteur cela favoriserait les entreprises aux droits les plus précaires au détriment des autres, et en particulier les grands groupes par rapport aux petites et moyennes entreprises.
S’ajoute un problème démocratique qui entacherait lourdement la nouvelle présidence. Une remise en cause aussi radicale du code du travail n’avait jamais été annoncée ni expliquée par le candidat Macron. Il n’a donc aucune légitimité pour l’imposer, de surcroît en la soustrayant à l’examen du Parlement, et donc aussi au débat public, via des ordonnances. Une telle réforme serait une régression historique refaisant du travail une marchandise comme les autres, négociée de gré à gré comme au 19e siècle. Ce serait tout simplement la fin du droit du travail né à l’aube du 20e siècle. Le seul moyen d’empêcher ainsi la République de faire marche-arrière est de priver Macron, ainsi que ses alliés cachés à LR et au PS de majorité parlementaire les 11 et 18 juin.

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