Le temps des loisirs

Après la crise sanitaire, voici venu le temps des vacances. Oui, mais pas pour tout le monde. Contrairement à l’image que véhiculent les files de bouchons et autres « samedi noir » de Bison Futé, les inégalités devant les vacances restent très fortes aujourd’hui. Depuis trente ans la part de français à partir en congés stagne : près de 40% ne partent pas l’été, et 21% ne partent jamais en vacances. Cet écart est encore plus flagrant quand vient l’hiver : les unes de nos journaux télévisés qui commentent l’enneigement ou font état des nouveaux sports de glisse ne s’adressent en fait qu’à 7% de la population. Et ces chiffres masquent d’autres écarts sociaux : si 90% des ménages touchant plus de 3800 €/mois partent, 70% des ménages percevant moins de 1900 € partent au plus une semaine par an. S’y ajoutent des écarts entre métiers, notamment avec les agriculteurs qui pour les plus précarisés ne peuvent jamais abandonner leurs exploitations.

La crise sociale qui monte va aggraver cet état de fait. On compte désormais en France 4,426 millions de demandeurs d’emploi, et Pôle emploi a enregistré 843 000 demandeurs d’emploi de catégorie A supplémentaires en avril 2020 au cœur de la crise due à la COVID-19. Alors qu’Emmanuel Macron annonce de nouveaux sacrifices pour les travailleurs à la rentrée de septembre, le droit aux congés doit plus que jamais être garanti. En 1936, les premiers congés payés ont été accordés alors que le monde subissait encore les effets de la crise de 1929. Il a fallu plus de 2 millions de grévistes, mais la loi a reconnu le droit pour tous au temps libre dans une situation où le chômage était lui aussi massif. Des mesures comme le « billet congé payés », les auberges de jeunesse, ont rendu accessibles les lieux de villégiatures, et des mesures analogues doivent être mises en place aujourd’hui pour réduire le coûts des congés.

Il faut cependant repenser le rapport aux congés. À la crise sociale s’ajoute la crise climatique. Le tourisme intensif cause les mêmes dégâts environnementaux que l’agriculture industrielle. La part du tourisme dans les émissions de gaz à effet de serre ne cesse de croître, elle doit s’inverser. Comment alors ne pas réserver les destinations de rêve à une élite qui, profitant des moyens de la mondialisation, pourrait continuer à visiter les horizons lointains ? Le rapport aux loisirs et aux lieux de villégiature doit désormais être revu, et tout l’enjeu ici est de penser une écologie populaire qui n’accroisse pas les inégalités. Elle passe par la lutte contre le consumérisme, le retour au « loisir » au sens propre plus qu’au divertissement. Comme le note Manon Dervin dans L’abécédaire de l’écologie populaire il est temps de conquérir le droit à la tranquillité. Bon été à tous.tes.

Benoît Schneckenburger

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