Handicap, l’affaire de tous

La situation des personnes en situation de handicap est un thème phare des campagnes électorales, mais rares sont les engagements pris dans ce cadre qui sont ensuite tenus. Macron n’échappe pas à la règle. Alors qu’il avait particulièrement mis en avant sa préoccupation pour la situation des personnes en situation de handicap en 2017, on attend toujours la réalité des faits.

D’ailleurs, les plus concernés ne s’y trompent pas. 43 % des personnes en situations de handicap considèrent que leur situation s'est dégradée en 2019, tandis que 51 % estiment qu'elle n'a pas évolué.

Le premier sujet de difficultés pointé par les sondés est celui des ressources financières, puis viennent les questions de l’accès à l’emploi et au logement. Par ailleurs, les conditions mises en place pour l’éducation des enfants sont également primordiales pour déterminer leur capacité de participation à la vie de la société.

Allocation au niveau du SMIC

Les personnes en situation de handicap et n’ayant pas la possibilité de travailler pour subvenir à leurs besoins peuvent bénéficier de l’allocation adulte handicapé (AAH). Plus d'un million de Français sont concernés. Elle est passé en novembre dernier à 900 € mensuels contre 810 € en 2017. Macron aurait donc tenu ses promesses ? En réalité, 10 % des bénéficiaires de l’AAH n’ont pas bénéficié de cette revalorisation car les revenus de leur conjoint sont pris en compte pour déterminer leurs ressources et que le plafond pour bénéficier de l’AAH a été progressivement baissé.

Même les personnes qui ont bénéficié de la revalorisation de l’AAH restent sous le seuil de pauvreté (1 026 €/mois). Elles n’ont dans leur immense majorité aucune possibilité d’être un jour en emploi pour faire évoluer à la hausse cette rémunération et ont des charges importantes liées à leur situation. C’est au niveau du SMIC que devrait se situer l’AAH comme le revendique APF France Handicap. Cette proposition a été portée par l’Avenir en commun avec l’individualisation du calcul des ressources.

Simplifier l’accès aux droits

Afin d’aider les personnes en situation de handicap à prendre en charge les frais liés à leur situation, la prestation de compensation du handicap (PCH) a été créée en 2005 et attribuée par les maisons départementales pour les personnes handicapées (MDPH). Aujourd’hui près de 300.000 personnes en bénéficient pour un montant de près de 2 milliards en 2017. La prestation permet soit d’acquérir du matériel soit de prendre en charge une aide humaine. 90 % du montant de la PCH est utilisé pour faire appel à de l'aide humaine. Malgré son utilité, son fonctionnement est jugé complexe, imparfait et les sommes versées varient d'un département à l'autre.

Sophie Cluzel, la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées a organisé un travail pour « remédier à ces travers » avec une simplification des demandes et des référentiels de coûts indicatifs. Le fonctionnement des MDPH va être revu pour, notamment, accélérer le temps de traitement moyen des demandes (4,5 millions en 2017), qui dépasse les cinq mois, avec des écarts selon les départements de 1 à 4. Dans le même temps, les départements, qui financent en majorité les MDPH sont contraints à l’austérité budgétaire par l’État. Elles ne sont donc pas en capacité de recruter le personnel nécessaire pour faire face aux demandes.

Pourtant, c’est une réelle démarche visant l’égalité de traitement entre les personnes et la rapidité d’attribution des aides pour faire face à leurs besoins de matériel et d’aides humaines au quotidien qui doit être engagée, quelle que soit le lieu de résidence.

Des bâtiments accessibles

Presque 15 ans après la loi de 2005 imposant l’accessibilité de l’ensemble des lieux publics, certains ne le sont toujours pas. Et aucune mesure drastique n’est prise. Les préfets devraient pouvoir ordonner les travaux à la place des propriétaires.

Pire, la loi ELAN a réduit de 100 % à 20 % l’obligation d’accessibilité de tous les logements neufs, au nom de la liberté d’entreprendre sans doute. Pourtant, un logement accessible aux personnes en situation de handicap l’est également aux personnes âgées et aux familles avec enfants en bas âge. C’était donc une mesure qui profitait à tous.

La France doit atteindre enfin l’objectif « 0 obstacle » : il n’est pas possible d’admettre, encore aujourd’hui, des bâtiments qui ne sont pas accessibles. Pour cela, l’avenir en commun propose de rendre obligatoire la formation initiale et continue des architectes et des professionnel·le·s du cadre bâti à l’accessibilité pour tous. Par ailleurs, l’idée est également de systématiser la mise en place de commissions municipales d’accessibilité, notamment en ce qui concerne le logement, la voirie, les lieux de sport, de loisirs et de tourisme.

Accompagnement spécialisé

Les handicapés souffrent d'un taux de chômage plus de deux fois supérieur à celui de l'ensemble de la population, soit 19 %. Ils sont un demi-million inscrits à Pôle emploi. Leur taux d'emploi dans le privé a progressé mais, à 3,4 %, reste très loin de l'objectif fixé il y a trente ans de 6 %. Ce taux est meilleur dans le public (5,2 %), mais reste encore insuffisant.

Les personnes en situation de handicap ont besoin d’un accompagnement spécialisé, aujourd’hui mis en place par le réseau Cap emploi. Le gouvernement souhaite que ce réseau passe sous la responsabilité de Pôle emploi, et donc le faire disparaître. Eu égard à la charge de travail déjà actuelle des conseillers Pôle Emploi, on imagine aisément que l’accompagnement des personnes handicapées ne pourra pas être renforcé.

Il serait pourtant davantage pertinent de coordonner les actions des acteurs de l’emploi des personnes en situation de handicap (pôle emploi, agefiph, secteur de l’emploi aidé – ESAT par exemple) tout en préservant la spécificité de leur expertise.

Une école adaptée

Afin que les personnes en situation de handicap puissent trouver un emploi et mener leur vie comme les autres, les conditions d’accompagnement de leur scolarité est primordiale. Or l’on sait que les gouvernements successifs depuis 15 ans réduisent les moyens humains dédiés à l’enseignement vers les enfants handicapés. Pourtant, chaque enseignant devrait pouvoir bénéficier d’un volet « Handicap » dans sa formation pour être en mesure de répondre aux particularités de tous les enfants. L’objectif visé étant la possibilité pour les enfants d’être intégrés dans les classes de droit commun.

Enfin, répondre aux besoins d’accompagnement de ces élèves par la création du nombre ad hoc de postes de titulaires d’auxiliaires de vie scolaire formé·e·s et diplômé·e·s (création d’un diplôme d’AVS) et développer en nombre suffisant les supports pédagogiques adaptés aux particularités de ces enfants sont des mesures qui semblent nécessaires, et atteignables pour un pays riche comme le nôtre.

Claire Mazin

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