Courant faible

Sans crier gare, certaines localités de l'Est de la France ont connu en ce début d'année des coupures de courant par défaut d'approvisionnement. Ces coupures restent localisées mais sont révélatrices d'un risque beaucoup plus important d'effondrement électrique. Faute de planification sérieuse dans un marché électrique européen livré à la concurrence et à la finance, la consommation électrique en hiver tend à dépasser structurellement la capacité de production. C'est en France que cette situation est la plus critique. Sa dépendance au nucléaire en fait aujourd'hui le pays d'Europe le plus "thermo-sensible". 73% de l'électricité française est ainsi nucléaire contre seulement 13% dans le monde! Et comme les coûts du nucléaire s'envolent et qu'EDF est dépassée par les besoins d'investissements, la capacité de production est menacée. Un défaut de sécurité dans la résistance thermique de 18 réacteurs a ainsi entraîné leur mise à l'arrêt successive. Parfois sans perspective claire de redémarrage comme c'est désormais le cas pour quatre réacteurs.

Ceci expose le pays à un bug électrique majeur. Le risque est tellement plausible que le gestionnaire du réseau, RTE, a prévu une panoplie de mesures de pénurie allant de la coupure de sites industriels électro-intensifs à la baisse de tension sur tout le réseau, jusqu'au délestage sous forme de coupures de 2h tournantes selon les régions. À défaut de planifier la transition énergétique, le productivisme nucléaire conduit donc à planifier les coupures de courant ! Et encore cela ne permettrait d'affronter qu'un scénario avec des températures se situant 3 degrés en dessous des normales saisonnières pendant 3 jours. S'il fait plus froid plus longtemps, il y a un risque de blackout. Cela signifie que le système électrique français serait aujourd'hui incapable d'affronter des hivers comme ceux de 1956, 1963 ou 1985.

Cette situation d'imprévision a d'ores et déjà un énorme coût social et écologique. Le prix de l'électricité s'envole : cela aggrave les difficultés de millions de Français pour se chauffer, puisque 30% dépendent du seul chauffage électrique. Et, preuve que le nucléaire n'assure pas notre indépendance, la France est désormais obligée d'importer de l'électricité, souvent hautement carbonée, notamment d'Allemagne. L'imprévision domine aussi le débat politique sur ce dossier. Fillon, Le Pen, Macron et tous les candidats PS sont pro-nucléaires à des degrés divers. Parmi les candidats capables d'accéder au 2nd tour, seul Jean-Luc Mélenchon propose une sortie planifiée du nucléaire permettant d'éviter à long terme un tel effondrement électrique. C'est le but de la planification écologique, qui est aussi une solution globale et solide à l'urgence sociale. En attaquant directement les causes de la misère en terme de chauffage, d'énergie, d'eau ou d'alimentation, plutôt que d'en corriger de manière toujours plus coûteuse les effets.

Partager cet article...
Share on Facebook
Facebook
Tweet about this on Twitter
Twitter
Email this to someone
email