« A la rencontre ! », Jean-Luc Mélenchon en Russie

Lorsqu’ils boivent entre amis, les Russes portent des toasts ; le premier est impérativement « A la rencontre ! ». Il illustre symboliquement le sens de la visite de Jean-Luc Mélenchon et de la délégation de la France Insoumise en Russie.

D’abord la rencontre avec Sergeï Oudaltsov, le leader du Front de Gauche de Russie (Levy Front), rendue pour la première fois physiquement possible, puisque ce n’est qu’en août dernier qu’il a été libéré après quatre ans et demi d’emprisonnement en tant que figure principale de l’opposition à Vladimir Poutine lors des manifestations de 2012. Après le rappel de la proximité de nos combats pour la justice sociale face à une oligarchie de plus en plus prédatrice en Russie, en France et dans le monde, cela a été l’occasion de formaliser la coopération entre nos deux mouvements.

Ensuite la rencontre, plus protocolaire, avec ses homologues députés russes de la Douma, membres de la Commission des Affaires étrangères et inscrits dans l’opposition (KPRF – Parti communiste de Russie). Ils étaient alliés avec le Front de Gauche de Russie pour soutenir la candidature de Pavel Groudinine, arrivé 2ème derrière Vladimir Poutine lors de l’élection présidentielle. Ce fut surtout l’occasion d’un échange intellectuel de haut vol, dans la vieille tradition du multiséculaire dialogue littéraire franco-russe, avec le député et écrivain Sergeï Chargounov qui s’est récemment opposé à l’inique loi dépénalisant les « crimes domestiques ». Les deux Sergeï, Oudaltsov et Chargounov, seront bientôt reçus par la France Insoumise à Paris et aux Amphis de Marseille.

Enfin, la rencontre directe et charnelle avec le peuple russe venu célébrer et rendre les honneurs, dans la joie et une intense émotion, à ses plus de 25 millions de morts de la Deuxième Guerre mondiale lors de la marche du « Régiment immortel ». Cette commémoration populaire, initiée en 2011 à Tomsk et basée sur le principe de « Rien n’est oublié, personne n’est oublié », a permis à Jean-Luc Mélenchon de rappeler sur la Place Rouge, au milieu d’une foule d’un million de citoyens rien que pour Moscou (que l’on se figure ce que cela représente… !!!), la solidarité de la France et de rendre hommage au sacrifice colossal consenti par l’Union soviétique dans la victoire contre l’Allemagne nazie. Ce devoir de mémoire prend un sens tout particulier quand on songe au retour de l’extrême droite la plus radicale en Europe de l’Est et centrale, dans les Pays baltes, la Pologne, la Hongrie, l’Ukraine, la Tchéquie, l’Autriche et en Allemagne même, où l’AfD avec 92 députés est la troisième force politique. « Le ventre est encore fécond d’où a surgi la bête immonde » … Dans un contexte de politiques ultralibérales de prédation imposées par l’Union européenne au seul profit de l’oligarchie et de destruction concomitante des solidarités et des sécurités sociales, la vigilance radicale face à la montée des fascismes que ces politiques induisent est une des urgences de notre époque si l’on veut maintenir la paix entre les peuples.

Et c’est bien de paix dont est venu parler Jean-Luc Mélenchon en Russie. Il en a rappelé la fragilité et les efforts constants qui doivent être déployés, malgré les divergences, pour la maintenir. La paix était l’axe principal de cette visite en Russie puisque l’objectif premier était d’associer le Front de Gauche de Russie au « Club Mondial pour la Paix » lancé par la France Insoumise, ses partenaires européens et américains. Cette démarche a résonné de manière particulièrement forte puisqu’elle coïncide étonnamment avec la quasi déclaration de guerre contre l’Iran prononcée par Donald Trump en plein milieu… des festivités mondiales célébrant la paix et la victoire sur le nazisme. Avec la rupture de l’accord de Vienne sur le nucléaire iranien, non seulement les Etats-Unis se mouchent avec le droit international, puisque cet accord avait été ratifié à l’unanimité par le Conseil de sécurité de l’ONU après treize années de difficiles négociations, mais ils font rouler les tambours de la guerre tant les velléités bellicistes des Etats-Unis et de leurs alliés l’Arabie Saoudite et Israël sont clairement affichées.

Lors de ce déplacement, Jean-Luc Mélénchon – comme Bernie Sanders aux Etats-Unis et Jeremy Corbyn au Royaume-Uni – a rappelé le danger mondial pour la paix, non seulement au Proche-Orient, mais aussi dans le monde, que représente la décision unilatérale de Washington. Le devoir de maintenir les canaux diplomatiques de discussion est une impérieuse obligation pour éviter un glissement généralisé vers la guerre que ne manquera pas de provoquer la logique des alliances, comme en 1914-1918. A ce titre, la rencontre avec le vice-ministre des Affaires étrangères, Alexandre Grouchko, a été l’occasion de constater l’état dramatique des relations multilatérales et bilatérales officielles entre la Russie et l’Occident et spécifiquement entre la Russie et la France. La situation est en fait pire que celle qui existait à l’époque de l’Union soviétique. Malgré les fortes divergences politiques, les relations diplomatiques avaient alors permis les accords d’Helsinki, les politiques de désarmement et de dénucléarisation qui avaient rendu possibles les « dividendes de la paix » et la création de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). Lors de la campagne présidentielle de 2017, Jean-Luc Mélenchon avait rappelé la nécessaire réactivation de cette institution afin d’éviter par le dialogue que les multiples problèmes frontaliers en Europe ne se résolvent par la guerre, comme dans l’ex-Yougoslavie ou en Ukraine. Maintenant, au contraire, le niveau des échanges diplomatiques est au plus bas. C’est une logique de réarmement et de méfiance militarisée qui prévaut, spécifiquement depuis la mise en place du « bouclier anti-missile » voulu par les Etats-Unis et imposé à l’Union européenne sous la présidence Hollande, et dont la conséquence immédiate a été le retour de la course aux armements nucléaires. Le Club Mondial pour la Paix est une urgence pour que les peuples pallient les dérives des chefs d’Etat.

Jean-Luc Mélenchon a inlassablement répété ici, à Moscou, et spécifiquement lors de son ultime et remarquée conférence à la Chambre de Commerce et d’Industrie France-Russie, qu’« il faut banaliser les relations avec la Russie et son peuple. La Russie est un partenaire et pas un adversaire ». L’intérêt général doit primer et plutôt que la guerre, il nous faut une coopération fraternelle du genre humain – culturelle, scientifique et commerciale. Ce message a été particulièrement bien entendu par les représentants des entreprises françaises en Russie (la France est le 2ème investisseur direct étranger) qui souffrent durement des sanctions absurdes imposées par l’Union européenne et l’OTAN. Il faut avoir la sagesse de toujours distinguer les entités géopolitiques de ceux qui les dirigent et ne jamais oublier les devoirs impérieux de maintenir la paix, la coopération et l’amitié.

За встречу!

Djordje Kuzmanovic
Orateur national de la France Insoumise

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