Présidentielle : Les 5 enjeux d’une élection historique

1. Guerre ou paix ?

En se présentant comme « le candidat de la paix », Jean-Luc Mélenchon a pointé l’enjeu historique de l’élection. Car le contexte géopolitique est hautement inflammable. Évidemment, la Syrie est dans toutes les têtes. Après 6 ans de guerre civile et régionale, le point de bascule est atteint. Fin 2016, un cessez-le-feu a été conclu entre le régime et plusieurs groupes armés, sous la pression de la Russie et de la Turquie. Début 2017, les négociations ont repris sous l’égide de l’ONU, laborieuses évidemment mais si nécessaires. En ce mois d’avril, les conditions semblent pourtant réunies pour un nouvel embrasement. L’attaque à l’arme chimique du 4 avril, puis le bombardement unilatéral décidé par le président états-unien Donald Trump et approuvé de façon irresponsable par François Hollande et Angela Merkel font craindre le pire. La Syrie sera-t-elle le nouvel Irak ou la nouvelle Libye, engloutis sous toujours plus de bombes sans la moindre solution politique pour restaurer la liberté et la souveraineté du peuple syrien ?

Le précédent syrien menace d’embraser aussi l’autre bout du monde. Après le blanc-seing de ses alliés, Donald Trump menace désormais de régler la question nord-coréenne de la même manière, par une action militaire unilatérale. Avec les provocations de Kim Jong-Un, l’escalade menace. Au point que la Chine affirme « qu’un conflit pourrait éclater à tout moment ».

En Europe aussi planent de lourdes menaces : déploiement de l’OTAN, relance de « l’Europe de la Défense » par les dirigeants européens et volonté de la Russie de sécuriser ses frontières devant ces projets. La paix sera donc l’un des principaux chantiers du futur président français. Après dix ans de servilité atlantiste, si la France veut peser, elle devra retrouver une voie indépendante et pacificatrice, hors de l’OTAN Trumpisé.

2. Europe : oui ou non aux nouveaux traités ?

Le prochain président devra décider de faire ratifier ou non par la France l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada. Ce traité CETA a été signé et ratifié par le Parlement européen. Chaque État doit maintenant se prononcer. En France, le Conseil constitutionnel est saisi et dira au début de l’été s’il faut changer la Constitution pour le ratifier. Quoi qu’il en soit, a minima un vote du parlement sera nécessaire. Le prochain président et la prochaine majorité accepteront-ils ce traité qui ouvre la voie à toujours plus d’agriculture intensive, de pétroles sales, et qui donnerait aux multinationales le privilège de pouvoir attaquer les États devant des tribunaux privés ? Dans la même logique, le traité de libre-échange avec les États-Unis reste sur la table. Le mandat de négociation donné à la Commission européenne par François Hollande est toujours valable. Les négociations peuvent reprendre à n’importe quel moment si le futur président ne s’y oppose pas.

Quant à l’UE, les cinq présidents de ses institutions ont déjà prévu la mise en chantier d’un nouveau traité budgétaire pour corseter encore plus les décisions nationales et imposer des réformes libérales. La discussion sur les traités est donc ouverte. Reste à savoir si la France proposera d’aggraver ceux qui existent ou d’en sortir pour permettre enfin la coopération et le protectionnisme solidaire.

3. Démocratie : stopper le train fou de la 5e

En annonçant dès 2014 que « la 6e République serait [sa] candidate en 2017 », Jean-Luc Mélenchon avait surpris. Qui aujourd’hui conteste encore la nécessité de remettre à plat l’ensemble des règles politiques dans le pays ? Il faut dire que le quinquennat qui s’achève restera celui d’un inouï pourrissement de la monarchie présidentielle et de sa caste dorée : un ministre du budget fraudeur fiscal, la loi El Khomri imposée sans majorité parlementaire, ni syndicale ni populaire, quatre interventions militaires déclenchées sans autorisation préalable du parlement, et, pour finir, une campagne présidentielle transformée en feuilleton judiciaire par les casseroles de plusieurs candidats. Un tel cocktail est explosif. Sans réponse forte et progressiste, qui peut dire comment s’exprimera la légitime colère populaire ? Et qui aurait cru que la 6e République et une assemblée constituante seraient à portée de bulletin de vote grâce à la campagne de la France insoumise ?

4. Urgence sociale : le peuple ne peut plus attendre

Après 5 ans de Sarkozy-Fillon et 5 ans de Hollande, l’urgence sociale est à son plus haut. On compte plus de 2 millions de demandeurs d’emplois supplémentaires en 10 ans. On ne compte plus les sites industriels pillés ou fermés : Gandrange, Florange, Conti, Goodyear et demain Whirlpool et tant d’autres. Tous les indicateurs sociaux sont au rouge malgré 10 ans de largesses aux grandes entreprises. Et les projets de F. Fillon et E. Macron, mais aussi de Mme Le Pen, laisse craindre une nouvelle purge dans les droits sociaux. A l’inverse, le prochain quinquennat peut être celui de la relance de l’activité et de l’emploi, d’une nouvelle étape dans la réduction du temps de travail, d’une révolution fiscale juste. Ou encore celui de l’objectif « Zéro SDF » en 2022 comme le propose la Fondation Abbé Pierre, reprise par la France insoumise.

5. Nucléaire : c’est le moment d’arrêter

19 réacteurs nucléaires auront 40 ans au cours du prochain quinquennat soit la durée de vie pour laquelle ils sont été conçus. Les prochains dirigeants devront donc prendre une décision. Ils ne pourront plus attendre comme Hollande. Soit les réacteurs devront fermer, soit ils devront être recarénés pour que leur durée de vie soit prolongée selon l’exigence de l’Autorité de sureté nucléaire. Le coût de la maintenance du parc nucléaire actuel est estimé à 100 milliards d’euros d’ici 2030 par la Cour des comptes ! Et encore, cela ne prend pas les coûts du démantèlement inéluctable des centrales ni du traitement des déchets radioactifs, ni évidemment d’une hypothétique catastrophe. Les premières expériences de démantèlement montrent qu’il s’agit d’une tâche coûteuse, complexe et de longue durée. À l’autre bout, le réacteur de nouvelle génération EPR est embourbé avec déjà six ans de retard et un coût multiplié par trois à plus de 10 milliards d’euros. N’est-il pas temps d’arrêter les frais et d’investir massivement dans la transition énergétique ? D’autant qu’une France 100% renouvelable en 2050 est possible si le tournant est pris maintenant. Ce serait plus écologique, plus d’emplois, et une France plus indépendante car soulagée de ses importations d’uranium et de pétrole.

L’élection présidentielle a débuté dans la débâcle des élections régionales et avec le triomphe annoncé d’un tripartisme FN-LR-PS. Un an après et à quelques jours du premier tour, le paysage est radicalement chamboulé par la percée de la France insoumise et de son candidat Jean-Luc Mélenchon. Ce bouleversement ira-t-il jusqu’à enclencher la Révolution citoyenne en France ? Cela n’a jamais été autant possible qu’aujourd’hui.

Matthias Tavel

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