Les inhumains

Existe-t-il un prix de l’hypocrisie ? Si l’on devait en créer un, il mériterait de s’appeler prix Jean-Marc Ayrault. L’avez-vous vu tonner dimanche que jamais, au grand jamais, son gouvernement ne reculerait l’âge de départ en retraite ? On apprendra à décoder son « body langage ». Quand il monte le ton c’est pour enfumer. Car ce malhonnête veut allonger la durée de cotisation. Le résultat serait identique et même pire ! L’âge moyen de départ en retraite était déjà supérieur l’an dernier à l’âge légal, en raison de l’impossibilité pour une majorité de salariés d’atteindre le nombre de trimestres cotisés à 62 ans.

On notera au passage que l’âge moyen de départ commence à dépasser l’espérance de vie en bonne santé. La subtile cruauté d’Ayrault consiste donc à laisser les salariés « choisir » de partir plus tard, seule manière pour eux d’éviter une brutale perte de pouvoir d’achat. Quant aux nouvelles générations qui démarrent de plus en plus tard dans la vie active et peinent à avoir des carrières continues, elles vont vite se trouver clouées à la date butoir de 67 ans choisie par la droite pour le droit à la retraite à taux plein. Car la moyenne d’âge du premier emploi aujourd’hui en France est de 23 ans pour un jeune sans diplôme. La réforme gouvernementale consiste donc à finir le travail de la droite.

Puis lundi, Ayrault a reçu les organisations syndicales pour leur présenter ses orientations. Tonalité générale : la réforme ne changera pas grand-chose à court terme. Elle serait mise en application à partir de 2020. Ainsi ce serait les générations plus jeunes qui ne pensent pas encore à leur retraite qui subiraient l’essentiel des conséquences. Bonjour le goût du futur ! Il a gardé la seule annonce nouvelle pour le MEDEF. On a ainsi appris que le gouvernement était prêt à compenser l’inévitable hausse des cotisations patronales retraite par une nouvelle « baisse du coût du travail » qui s’ajouterait aux 20 milliards d’exonérations déjà lâchés au patronat sans exiger aucune contrepartie. Gattaz est sorti tout sourire.

En réalité Ayrault ne fait qu’appliquer la feuille de route de la Commission européenne. L’androïde Oli Rehn a fait sa rentrée politique dimanche dernier dans le Journal du Dimanche. Ce Monsieur qui n’est élu par personne fit en effet une rentrée politique en France pour dire au gouvernement de notre pays ce qu’il avait à faire. Rehn s’est permis de rappeler que la France disposait d’un sursis conditionné à des réformes structurelles qui doivent aller « assez loin et assez vite ». La Commission « attend des résultats » menace-t-il en listant l’agenda néolibéral : compétitivité (c’est-à-dire baisse du coût du travail), ouverture du marché des services et libéralisation du transport ferroviaire et de l’énergie.

« Cela veut dire plus d’austérité ? » lui demande le journaliste. « Je me refuse à parler d'austérité » répond l’androïde de la Commission, « le mot est devenu trop connoté ». A croire qu’il a suivi des cours auprès d’Ayrault ? A moins qu’ils ne soient du même modèle.

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